Mod(èl)es d’opération

Toujours dans le cadre du festival Québec en Toutes Lettres, j’ai assisté ce soir à « Modus Operandi », ce spectacle de style entretien-tranquille-sur-scène-et-lecture-d’extraits-sur-musique mettant en vedette Chrystine Brouillet et Martin Michaud, à la Chapelle du Musée de l’Amérique francophone. Lecteur : voici l’événement. Événement : voici le lecteur. Serrez-vous la main, on continue.

J’ai à peine besoin d’introduire Chrystine Brouillet. Auteure de nombreux romans policiers et originaire de Loretteville, elle est notamment connue pour sa série de romans comprenant son héroïne Maud Graham. Les initiés du thriller québécois me diront que je vis sous une roche, mais je ne connaissais pas Martin Michaud. Puisqu’il est un auteur plus jeune, il a vécu moins longtemps que Chrystine Brouillet… Ouais. Pour le reste, Wikipédia est votre ami. Norbert Spehner animait la soirée. Il a réussi à rendre l’entretien hilarant.

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Chrystine Brouillet

Je ne parlerai pas ici de la qualité des intrigues ou de la subtilité de leurs styles d’écriture. Je veux discuter de processus d’écriture, sujet récurrent à travers la soirée. Juste avant de me rendre à la Chapelle pour Modus Operandi, je suis passé  à la Librairie Pantoute où Maude Veilleux présentait son petit dernier, Prague. Elle parlait entre autres de son mode de création authentique, spontané et au rythme du réel, puis que de son manque d’intérêt envers les personnages et les histoires inventées. À la Chapelle, un tout autre univers de création s’ouvrait devant nous : dans le roman policier, on assume la construction artificielle à 100%. Autant pour Michaud que Brouillet, l’écriture commence par des idées éparses accumulées sur de longues périodes, qu’ils reprennent ensuite pour former des intrigues complexes. C’est un commentaire naïf je sais, mais j’ai peine à croire que ces deux types d’œuvres cohabitent dans nos librairies comme deux pôles opposés et irréconciliables. Je ne dirais pas que je suis un pur adepte de l’une ou l’autre de ces méthodes d’écriture, mais un juste milieu n’est-il pas un meilleur lieu de création? Je laisse la question ouverte ici. Ce sera à discuter dans d’autres circonstances.

Pour le reste, un point particulier m’a happé. Chrystine Brouillet a clamé : « Je ne suis pas assez imbécile pour tuer [Maud Graham] ». Cette seule remarque m’a fait grimper dans les rideaux. Pour quelles raisons voudrait-on d’un personnage qui ne peut jamais se retrouver en réel danger dans un roman policier? Quel est l’intérêt d’un personnage doté d’un mystérieux pouvoir d’invincibilité? George R. R. Martin a peut-être fait de moi une bête assoiffée de sang, mais je crois qu’il existe un plaisir existentiel dans la peur de perdre un être fictionnel à tout moment. Bien entendu, si Brouillet tue son personnage, ses ventes chuteront et elle décevra une bonne partie de son lectorat, mais pourquoi écrit-on au bout du compte? Pour l’argent? Pour plaire? Si c’est le cas, je dois m’avouer imbécile en puissance.

Sinon, les lectures sur fond d’ambiance musicale ont bien fonctionné. Les sonorités et les effets rendaient les images textuelles bien vivantes et d’autant plus glauques ou troublantes. En somme, une belle petite soirée qui a su soulever plusieurs questionnements. Ce genre d’événement réussit bien à remettre le travail d’écriture en perspective.

Le festival est presque terminé, mais il est encore temps d’embarquer dans le navire de la littérature noire!

-Anaël Turcotte

Au compte du Collectif RAMEN, Anaël Turcotte est blogueur pour la 7e édition du festival Québec en Toutes Lettres, du 29 septembre au 9 octobre 2016.

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