La fille qui crie
sur le trottoir
à deux heures du matin
en fessant comme une malade
sur un carreau de fenêtre
avec sa botte à cap
Le dude
derrière la fenêtre
qui crie
à la fille
« Maudite crisse de folle! »
Le bruit du carreau
en train de céder
Moi qui dit à la fille
« Calme-toi, fille »
sans vraiment finir ma phrase
en me disant que si elle se calme pas
j’vais devoir composer le 911 sur mon cell
le plus subtilement possible
La fille qui me répond
« Y m’a crissée dehors
sans payer
pis y’a gardé mon linge »
Moi qui fais plus doucement
« Ok, j’comprends »
même si j’sais très bien
que j’comprends pas
que j’pourrai jamais comprendre
qu’est-ce que ça fait de se faire jeter à la rue
sans cash pis sans linge
par le gars à qui tu viens de faire une pipe
La fille qui criait à deux heures du matin
qu’est-ce qu’elle est devenue?
Ce matin y’a un mot sur la porte
à côté de la fenêtre brisée
un mot griffonné
au feutre noir
avec une faute de grammaire :
« Ce logement a été visiter par les policiers »
Toutes les pièces de l’appart sont vides
et sur le trottoir
on entend rien d’autre
que le cri faible des pigeons
Fille
où que tu sois
j’espère que tu as du bon linge chaud
sur le dos
et de l’argent dans tes poches
parce que l’hiver s’en vient, fille
pis la gentrification s’annonce longue
sur le logement vide
avec sa pancarte
« 3 ½ à louer, rénové»
Un logement que tu pourras jamais te payer
même si tu y a laissé un peu de ton ADN
un peu de ta salive de fille
dans St-Roch n’ roll.
Geneviève Morin © 2016